Cours sur « Candide » de Voltaire

Page de titre, Candide ou l’Optimisme, édition anonyme… avec auteur fictif (jeu de conventions). En réalité, c’est donc un texte de Voltaire (1694-1778), qui a 65 ans an en 1759. Il vient d’acheter un château à Ferney, tout près de Genève… mais il a écrit Candide à Genève, d’où les religieux voudraient le faire expulser à cause de l’article « Genève » de l’ Encyclopédie, qu’il aurait largement inspiré à d’Alembert…
– Candide = naïf, innocent…
– Optimisme = vient de la philosophie de Leibniz
Attention, le titre n’est pas Candide, ou l’Optimiste ; choisir l’Optimisme élargit le sous-titre pour proposer un procès en même temps qu’un portrait.
Voltaire est d’abord inspiré par le vrai tremblement de terre de Lisbonne (1755, dont Voltaire a déjà parlé) et le début de la Guerre de Sept Ans (1756).

Chapitre 1. Titre de chapitre : mode du conte philosophique. Ironie et parodie. Anthroponymes et toponymes.

  • Westphalie : province allemande, du nom d’une tribu de la Saxe primitive. C’était un duché, à l’époque de Voltaire, dans une région très morcelée et à l’histoire très mouvementée…
  • Candide est un surnom : « on le nommait »
  • 71 quartiers… de noblesse, soit 4 générations d’ancêtres nobles, chaque grand parent représentant un « quartier ». Cunégonde prétend à 72 quartiers (fin chapitre X).
  • Palefrenier : domestique en charge des chevaux. Diff. de piqueur : valet de chasse qui conduit la meute des chiens (emploi mieux considéré, s’il est bien exécuté).
  • Vicaire : jeune prêtre qui aide le curé. Diff. d’aumônier : religieux attaché à un grand personnage et chargé du service religieux et de ses dépenses de charité.
  • Cunégonde : vient de mots germaniques, audacieux et combat = celle qui ne craint rien. Sainte Cunégonde, épouse d’un empereur germanique au XIe siècle, fit vœu de chasteté. Si Candide est le fils de la tante de Cunégonde (la sœur du baron), alors Candide et Cunégonde sont cousins germains (quel que soit le père de Candide) ; Voltaire ne mentionne jamais cela…
  • Pangloss : litt. qui parle toutes les langues = qui comprend tout !
  • Mot valise finissant par nigologie = science des nigauds (sots, niais, idiots).
  • « point d’effet sans cause » + « meilleur des mondes possibles » = référence directe à Leibniz (1646-1716, né un demi-siècle avant Voltaire et très en vogue au 18e siècle).
  • « Il est démontré… » – mais il n’y a pas de démonstration : un axiome est donné, suivi d’exemples (ridicules) = charge contre la pensée de Leibniz, encore, mais une pensée caricaturée… que Voltaire attaque plus sérieusement ailleurs, dans son Dictionnaire philosophique, par exemple.
  • « Un jour… » = sépare l’état stable du début de l’action.
  • « une leçon de physique expérimentale » = métaphore de l’acte sexuel, dans le style de ceux qui abusent des gens simples par une explication embellie… Voltaire fait comprendre la situation en filant la métaphore : « expériences réitérées », « raison suffisante du docteur », « remplie du désir d’être savante », etc.

Chapitre 2.

  • Titre et ce que sont les Bulgares, chez Voltaire… Voire Bougres = hérétiques, débauché(e)s, sodomites.
  • Valdberghoff-trarbk-dikdorff = quelque chose comme forêtmontagnecour-pari ridicule-village épais…
  • « habillés de bleu » = description qui suffisait à reconnaître des recruteurs de l’armée prussienne ; correspond au point de vue naïf de Candide.
  • « faire son billet » = rédiger une reconnaissance de dette, pour remboursement ultérieur.
  • « un privilège de l’espèce humaine » = périphrase de la liberté, vite restreinte.
  • Dioscoride, médecin et botaniste grec du 1er siècle.
  • Abares : si les Bulgares sont le travestissement des Prussiens, les Abares représentent les Français (dans la Guerre de Sept Ans), même si le mot semble dériver de « Arabes » ou de « Barbares »…

Chapitre 3.

  • Description ironique des armées : termes positifs + comparaison avec l’enfer. Le principal effet de la guerre est de tuer des hommes par milliers (Voltaire néglige volontairement les intentions stratégiques et politiques des généraux) = « boucherie héroïque », quasi oxymore. Voir gravure.
  • Te Deum : d’abord simple prière, devient cérémonie importante ou pièce musicale sacrée.
  • Bissac : sorte de bagage.
  • Hollande : pays plutôt pacifique et marchand, protestant. Voltaire le présente comme une alternative aux pays en guerre les uns contre les autres (France et Prusse, notamment).
  • Antéchrist = imposteur qui veut prendre la place de Jésus Christ. Dans les disputes religieuses, chacun traite l’autre d’antéchrist… Ici, un antipapiste, donc sans doute protestant, et qui refuse la charité.
  • Anabaptiste : pas baptisé enfant, qui choisit de l’être à l’âge adulte pour être conscient et engagé dans sa foi.
  • Puis il rencontre un gueux = portrait avec exagération des termes.

18 octobre : chapitres 4 à 6.

Chapitre 4.

  • Émotion de Candide…
  • Deux florins : monnaie originaire de Florence, en or puis aussi en argent depuis le 13e siècle.
  • Passage au présent avant dialogue (2 fois) ; première coïncidence : le gueux se révèle être Pangloss !
  • Questions de Candide = programme de narration pour ce paragraphe = ce que Candide a évité…
  • Naïf, Candide pense être la cause de la mort de Cunégonde ; description de soldatesque(banalité, hélas).
  • Pour l’état de Pangloss, ce n’est pas dû à la soldatesque mais à une maladie vénérienne – conséquente à l’amour – transmise par la servante Paquette… Autre fléau, après la soldatesque (ou équivalent).
  • Généalogie de la maladie, qui semble bien être la syphilis, ou « vérole » ; transmissions hétérosexuelles et homosexuelles, origine dans l’entourage de Christophe Colombmaladie importée...
  • Selon Pangloss, quelques bienfaits compensent l’apport de cette maladie : le chocolat, la cochenille (insecte à l’origine d’un colorant rouge pour teinture).
  • Ironie voltairienne : la vérole est comparable à la controverse ! et elle affecte les deux tiers des armées !
  • Stipendiaire = mercenaire.
  • Traitement de Pangloss, avec perte d’un œil et d’une oreille = la moitié de la vue et de l’ouïe.
  • Départ pour Lisbonne et controverse entre Jacques (réaliste, d’après constatations) et Pangloss (idéaliste).
  • Annonce de tempête pour finir le chapitre (amorce du chapitre suivant, comme pour les précédents = technique du feuilleton).

Chapitre 5.

  • Noyade de l’anabaptiste par contrecoup… de sa bonté ! Et inversement pour le matelot dont l’instinct de survie produit des crimes sans regret. Est-ce une sorte d’équilibre à la Pangloss (hérité de Leibniz) ?
  • La tempête précédait le séisme historique (1er nov. 1755) qui fut ressenti dans toute l’Europe (et qui est une des motivations de Voltaire pour écrire ce conte).
  • Le matelot – encore lui – s’oppose à la « raison universelle » par la raison pragmatique(profiter des opportunités qu’offre une situation dont il n’est pas responsable) ; il est né à Batavia (auj. Jakarta, dans l’Indonésie occupée par les Hollandais depuis la fin du XVIe siècle), il a voyagé au Japon et à dû obéir aux règles imposées aux étrangers par les Japonais (voir l’histoire du Japon à partir de la période du commerce Nanban et après…).
  • Pangloss parle d’un séisme à Lima (ville du Pérou où se trouve la plus ancienne université d’Amérique) « l’année passée » – il veut peut-être parler de celui de 1655 !
  • Ironie de Voltaire montrant Pangloss en train de consoler les survivants. Cet équilibre métaphysique n’est d’ailleurs pas du goût des Inquisiteurs, qui trouvent irréligieux les propos de Pangloss et opposent hypocritement la liberté à la nécessité.

Chapitre 6.

  • Autodafé (de l’esp et du port. : acte de foi) : cérémonie organisée par l’Inquisition pour expier par le feu les fautes religieuses. Voir gravure.
  • Le titre met en parallèle deux événements de dimensions très différentes = ridicule ; mais la relation entre les deux intrigue…
  • L’université de Coïmbra, fondée au XIIIe siècle (une des plus anciennes d’Europe) et très influente – argument d’autorité pour imposer une décision (et un raisonnement) ridicule à nos yeux mais qui, de la part de Voltaire, et pour son époque, est à peine une exagération.
  • Un Biscayen = originaire de Biscay, province basque du nord de l’Espagne (contient la ville de Guernica, rendue célèbre par la peinture de Pablo Picasso).
  • Une commère (pas dans le sens moderne de femme bavarde) = une marraine (personne désignée par les parents pour les remplacer en cas de besoin).
  • « extrême fraîcheur » et « jamais incommodé », expressions allusives pour cachot – mot que P. et C. ne connaissent pas… contraste avec « des appartements » = ironie du traitement des hôtes, de l’hospitalité.
  • san-benito : tunique que l’on fait porter aux condamnés pour expier + mitre (chapeau conique) – avec décoration.
  • faux-bourdon : plain-chant où la basse forme le chant principal.
  • Après description des événements, paragraphe suivant avec pensée et monologue de Candide… Récapitulation des malheurs de ses connaissances.
  • Nouvelle rencontre…

25 octobre : chapitres 7 à 9.

Chapitre 7

  • Titre narratif et visiblement positif (nouveau répit ou transition).
  • Notre-Dame ou Vierge d’Atocha – statue de la vierge Marie, près de Madrid, qui fait partie des vierges noires.
  • Après trois jours de rétablissement, Candide est mené dans une maison luxueuse (qui contraste avec les chapitres précédents, c’est le premier lieu agréable depuis la sortie du paradis…).
  • Stupéfaction de retrouver Cunégonde (que C. croyait morte selon les dires de P.), mais « femme tremblante », soutenue ‘avec peine »…
  • Elle confirme les dires de Pangloss mais n’en est pas morte : accidents dont « on ne meurt pas toujours » – expression spirituelle.

Chapitre 8

  • Comme les retrouvailles de Pangloss avaient amené un chapitre de flash-bach (retour en arrière), celles de Cunégonde sont l’occasion d’une nouvelle narration, nouvelle version de la fin du paradis de Westphalie et de la suite – et l’on s’abstrait du temps présent.
  • étapes de Cunégonde : violée et poignardée par un soldat bulgare ; emmenée, soignée et employée par un capitaine pendant 3 mois ; vendue au Juif don Issachar, ramenée au Portugal et installée dans cette maison – plus belle que son château familial…
  • Le Juif et le Grand Inquisiteur se partagent les faveurs de Cunégonde… qui résiste depuis 6 mois. Total : 9 mois depuis le départ
  • Récapitulation (chute narrative), dîner et arrivée de don Issachar.

Chapitre 9

  • « Ce qui advint de… » a un sens générique de suite mais plutôt négatif…
  • « captivité en Babylone », épisodes de la Bible à propos de la déportation des Juifs à l’époque de Nabuchodonosor II (6e et 5e siècles avant J.-C.) – donc le plus colérique de tous les temps !
  • « chienne de galiléenne » : insulte d’un Juif à un Chrétien ; Jésus-Christ étant né en Galilée, la dénomination galiléen devient par métonymie un terme générique, souvent négatif…
  • Homicide avec légitime défense, puis seconde arrivée et second meurtre : exemple de réalisation narrative d’une information préalablement donnée comme anodine (la nuit du samedi au dimanche, lignes 45-46, p. 39) = prolepse.
  • Le second homicide n’est pas en état de légitime défense mais il résulte d’un calcul, donc avec préméditation – même si c’est tout à fait pragmatique…
  • Amoureux, jaloux et fouetté, « on ne se connaît plus » – voilà encore qui est spirituel !
  • « sur une fesse », dit la vieille, suspense (prolepse d’analepse = on annonce qu’on racontera plus tard un épisode passé).

1er novembre : chapitres 10 à 12.

Chapitre 10

  • Le nom même de Cadix dans le titre indique à la fois un lieu célèbre, historiquement connu (ville fondée au XIe siècle av. J.-C.), et une extrémité du continent. Mais c’était surtout le port d’attache des bateaux espagnols qui, après Christophe Colomb, rapportaient les richesses d’Amérique.
  • Ils sont volés pendant leur fuite… Sorte de cliché renvoyant aux mœurs d’une époque. Narrativement intéressant : les personnages retournent au bas de l’échelle… Occasion de ressortir du Pangloss, selon qui le vol n’est qu’une forme de redistribution des richesses.
  • « sur une fesse », dit la vieille, suspense bis… (voir ch. 12).
  • Un voyage au Paraguay est en préparation : coïncidence dont on fait profit, plutôt par nécessité que par intérêt = sérendipité. Choix du Paraguay ? On verra plus tard…
  • Le voyage est un hors-temps disponible pour la conversation et le partage des expériences de la vie (genre littéraire) ; banalités, d’abord, sur l’avenir, s’il sera meilleur ou pire que le passé, qui tournent à la comparaison des malheurs de deux femmes = enchères verbales entre les concurrentes ! Cunégonde commence, assez intolérante d’abord…

Chapitre 11

  • L’Histoire de la vieille est donc une logique réplique à Cunégonde. Histoire dans l’histoire, ornementation séparée qui tend un miroir (spécularité narrative) pour équilibre et comparaison, elle confirme le style baroque et même rococo de Candide.
  • Urbain X n’a pas existé, il aurait pu être un successeur d’urbain VIII, mort en 1644.
  • Outre les éléments d’identité, l’autoportrait compare d’abord le présent au passé (pas toujours), puis l’Italie avec la Westphalie (château = écuries), avant d’essayer l’innommable exclamatif et anaphorique (Quelle ceci !) = enfance et croissance idéales.
  • Fiançailles : on continue dans le laudatif, l’hyperbole, l’emphase – expressions de l’idéal ou de la féerie – dont on ne peut que tomber…
  • Premier accident / drame, à cause du chocolat, longtemps considéré comme un aliment dangereux, ou aphrodisiaque, pour devenir une boisson prisée à la cour de Louis XIV (voir par exemple dans les Lettres de Mme de Sévigné).
  • Gaète, ou Gaïète = Gaeta, port près de Rome, belles résidences secondaires.
  • Le toucher rectal semble en effet aussi ancien que le cacher rectal… malgré la surprise de la jeune fille.
  • « Je ne vous dirai point… » = prétérition pour ellipse partielle. Esclave au Maroc ; dans l’histoire de l’esclavage, les pays de l’Afrique du Nord ont un rôle important (la traite arabe).
  • Le chaos des guerres civiles, raciales, etc., succède donc au paradis (encore une fois). Ces massacres n’empêchent pas les prières régulières (de la part de Voltaire, c’est plutôt un soulignement de l’absurdité des guerres qu’une critique contre la religion musulmane car les autres religions ont aussi leurs contradictions dans ce domaine).
  • Sauvée par un homme qui regrette de ne pouvoir abuser d’elle… – compliment à sa beauté ! – et qui est son compatriote. La phrase reste en italien pour ne pas écrire certain mot en français : la langue étrangère a valeur euphémique – « che sciagura d’essere senza coglioni » veut dire « quel malheur d’être sans couilles » (ou testicules) au sens propre…

Chapitre 12

  • Pour respecter sa pratique des chapitres courts, Voltaire divise l’histoire de la vieille en deux parties. Il reprend à la suite de la rencontre d’un sauveur qui la soigne et… lui raconte son histoire (nouvelle inclusion dans l’inclusion = mise en abyme).
  • Il s’agit d’un homme castré (ou châtré, comme on le fait à des jeunes coqs qui deviennent deschapons), eunuque selon les mœurs de Naples pour former des castrats et les faire chanter. Retrouvailles qui répètent donc celles de Candide et de Pangloss (parallèle).
  • Mais la confidence n’empêche pas le mensonge : l’homme sans… nom répète son regret en italien, puis il lui ment et la revend à Alger (il fait profit financier de ce dont il ne peut profiter sexuellement).
  • Peste – aussi horrible que les tremblements de terre ? = comparabilité des catastrophes et de l’affliction des êtres humains dans ces catastrophes. Puis, rapidement, nouvelles tribulations, Tunis, Tripoli, Alexandrie, Smyrne, Constantinople (actuelle Istanbul et ancienne Byzance).
  • Elle passe donc d’un castrat à un dey, puis à un aga des janissaires… Candide, c’est aussi un lexique encyclopédique (participation aux Lumières).
  • Palus-Méotide = mer d’Azov… près d’Azov, ou Tanaïs, ville du sud-ouest de la Russie et ancienne limite entre l’Europe et l’Asie. Siège de guerre où la (future) vieille perd une fesse(nourricière) puis est sauvée par un chirurgien français après l’assaut des Russes.
  • Episode russe : elle passe de l’aga au boyard. Fuite et nouvelles tribulations vers l’ouest – en accéléré – jusqu’à Rotterdam où, apparemment, elle a pu vieillir pauvrement mais tranquillement… Interrogation sur la résistance devant le suicide (déjà un affront pour le catholicisme).
  • Paragraphe final : justificatif de la narration et du partage d’informations. Résistance des hommes à la dureté de leur destin (peu de suicides constatés).

8 novembre : chapitres 13 à 15, en présence de Stanislas Gros.

  • Invité à l’Institut pour y présenter son premier album de BDLe dernier jour d’un condamné, d’après Victor Hugo (1829), Stanislas Gros nous fera l’honneur de nous présenter son travail et de répondre à nos questions. Il s’exprimera aussi sur Candide et nous dessinera peut-être quelque chose…
  • On s’intéressera aussi à la chanson C’est dans la rue du mail (reproduite dans le texte de Hugo, ch. 16).

Chapitre 13

  • Titre explicite : les tribulations continuent (après la fin de l’histoire de la vieille et donc l’arrivée en Argentine).
  • Voltaire énonce, via Cunégonde, la nécessité de partager les expériences de vie, pour l’acquisition de sagesse, tolérance, comparabilité des actes et conséquences des uns et des autres, mais aussi pour passer le temps du voyage (justification de la mise en abyme baroque).
  • Arrivée en Argentine… Ridicule du nom du gouverneur, exagérément long.
  • Candide écarté, Cunégonde doit répondre à la proposition de mariage du gouverneur. La vieille met en balance noblesse et richesse : 72 à 0. Devant cette réalité (pragmatisme), la fidélité (à Candide) devient une chose dont on se pique, c’est-à-dire une sorte de caprice ou de vanité – un scrupule (trouble de conscience).
  • Au pragmatisme, la vieille ajoute le droit moral, suite aux souffrances déjà endurées par Cunégonde.
  • Quand on comprend que Candide est activement recherché (et doit fuir), le scrupule disparaît.

Chapitre 14

  • Présentation de Cacambo, métis débrouillard (Voltaire considère implicitement le métissage comme positif alors qu’à son époque c’est encore un signe de basse origine (« basse extraction » au XIIIe siècle, ou « sang mêlé », « mauvais » ou « bâtard »).
  • Séparation forcée mais raisonnable.
  • Mot définitif (de Cacambo) sur la condition des femmes : leur devenir dépend de Dieu, et nom de leur propre volonté, contrairement aux hommes…
  • Raisonnement et programmation de Cacambo (P. 55, lignes 15-21); un peu philosophe aussi, qui reprend le rôle programmatique et justificatif de Pangloss. Il valorise les Jésuites parce qu’ils ont un double discours et spolient le peuple paraguayen : menteur & spolieur = « divin » | c’est bien sûr un procès que Voltaire leur fait par antiphrase.
  • Ils arrivent au Paraguay, dominé par les Jésuites qui y ont installé depuis 1610 une sorte de « communisme chrétien » (autoritaire et inégalitaire, l. 62-63).
  • Esponton (l. 44).
  • Avantage d’être Allemand et non Espagnol : on peut parler, manger et reprendre ses affaires.
  • Nouvelle coïncidence : le commandant des Jésuites est… le frère de Cunégonde. Retrouvailles et agapes.

Chapitre 15

  • Le titre évite le suspense…
  • Flashback et histoire du frère de Cunégonde (toujours sans nom). Lui aussi pris pour mort et sauvé par des Jésuites.
  • Carrière religieuse rapide.
  • Projet de retrouver Cunégonde, volonté de mariage, protestation du père son frère (impudence, etc.). Duel rapide après brèves retrouvailles…
  • Pour s’enfuir, l’habit fait le moine ! (grâce à Cacambo)

15 novembre : chapitres 16 à 18.

Chapitre 16

  • Titre annonciateur mais avec suspense.
  • Cacambo « vigilant » = prévoyant.
  • « Pays inconnu » et sans « aucune route » : c’est le début de l’aventure en territoire inconnu, le passage dans l’utopie (en opposition aux lieux, topos, bien répertoriés, jusqu’ici nommés et parcourus).
  • Journal de Trévoux, fondé en 1701. Voltaire en est ennemi.
  • L’utopie commence donc par des filles nues… et zoophiles (comme on dit aujourd’hui).
  • On savait Candide bon à l’épée, il sait aussi tirer juste… et tue les singes (par ignorance d’une culture autre).
  • Discours de Cacambo : tolérance, disponibilité d’esprit, etc.
  • Les Oreillons veulent manger du Jésuite… (deuxième fois que ce statut est dénoncé). Nouveau discours de Cacambo : valorise le statut d’ennemi des Jésuites (donne raison) et révèle la situation de Candide.
  • Comportement civilisé et juridiquement irréprochable des Oreillons (tout nus qu’ils sont). Libération des prisonniers, le meurtre des deux singes est oublié.
  • Le discours final de Candide est assez panglossien…

Chapitre 17

  • Direction la Cayenne (colonie française qui deviendra la Guyane française). L’Eldorado se trouve donc quelque part entre le Paraguay et la Guyane…
  • Le thème stéréotypé est celui de l’égarement et de l’enfoncement dans une région inconnue, pendant un temps indéterminé, conditions pour trouver par hasard un passage en quelque sorte magique : un fleuve souterrain pendant 24 heures.
  • Puis c’est la découverte d’un monde où certaines choses sont inversées ou paradoxales : l’utile est devenu agréable, les enfants jouent avec des pierres précieuses, les restaurants sont excellents et gratuits, ce qu’on croit être une monnaie n’est pas une monnaie, etc. = c’est « le pays où tout va bien » (l. 108).

Chapitre 18

  • Sans doute le chapitre le plus long. Avec 3 parties principales : avec le vieillard instructeur, à la cour (+ séjour), les préparatifs de départ.
  • Avec le vieillard : c’est la découverte de cette société, son histoire (l. 17-32), les explications sur tous les sujets abordés (l. 33-35), y compris la religion (l. 36-61). Comme en général dans l’Eldorado, l’expression des richesses se fait par des formules superlatives, exagérées, ou ironiquement contrastive (« n’étaient que d’or », l. 8) voire par prétérition (l. 77).
  • Le chevalier Walter Raleigh (jp) (l. 26) est très connu dans l’histoire de l’Amérique du Nord, mais il a aussi voyagé en Guyane, vers 1616-1617 (voir sa Relation de Guiane).
  • À la cour et avec le roi : l’usage est simple et sans cérémonie (l. 92-39, ce qui constitue une critique de toutes les conventions et cérémonies autour des Grands en Europe… et ailleurs), les étonnements (files de musiciens = usage ordinaire, l. 86 ; très hauts bâtiments, l. 96) et le paradoxe (pas de justice et un grand « palais des sciences », l. 104).
  • Préparatifs et départ : propos sur la liberté (de partir) ; création d’une machine dont le fonctionnement n’est pas expliqué (dommage !) ; préparation du convoi (moutons, ou lamas chargés de pierres et d’or). On pense aux machines de Cyrano ou de Swift…

22 novembre : chapitres 19 à 21.

Chapitre 19

  • Dès la sortie d’Eldorado, les malheurs reviennent : le temps s’exprime en moutons qui meurent ou disparaissent.
  • 100 jours de marche, il n’y a plus que 2 moutons, en vue de Surinam, au nord du Brésil.
  • Rencontre d’un « nègre » handicapé, travaillant pour un producteur de sucre = un esclave maltraité qui affirme être un maillon de la chaîne du sucre. Ceux qui en consomment (en Europe) sont donc partiellement responsables (sans le savoir ? Mais pas après Candide !) de l’esclavage et du système esclavagiste (pré-industriel mais déjà productiviste et concurrentiel). L’esclave relève également l’hypocrisie de la religion qui affirme la fraternité entre les hommes mais permet l’esclavage… Encore un coup porté à l’optimisme panglossien. Voir illustration anti-esclavagiste (Assemblée nationale).
  • Candide énonce un plan – c’est bien la première fois !
  • Paiement sans négociation = Candide ignore que le commerce sans discrétion ni marchandage est source d’abus. Voltaire souligne ainsi la malhonnêteté de l’homme et la véritable nature du commerce.
  • Vanité des fonctions : chez le juge, son manque de respect des conventions devient un crime plus grave que celui qu’il a subi. Pour la première fois encore, il est question de la colère de Candide (« bile », l. 115) et de sa mélancolie (l. 116).
  • Recherche de l’homme le plus dégoûté (voir chapitre avec Cunégonde et la vieille sur le bateau), audition des prétendants et choix d’un employé de l’édition hollandaise – Voltaire avait sans doute des comptes à régler avec cette profession…
  • Socinien, doctrine de Fausto Sozzini (1539-1604), d’une famille de réformateurs selon Martin Luther. Branche tolérante du protestantisme, fondée en Pologne fin XVIe et début XVIIe siècles.

Chapitre 20

  • Voyage avec Martin, qui se dit manichéen, discussion philosophique et morale (après expériences). Voir manichéisme au quotidien, résultant de l’état du monde (résumé, l. 25-38).
  • Expérience en direct (l. 43-68) : combat naval, bateau coulé, mouton survivant, patron puni, certes, mais combien de morts innocents ? Du coup, peut-on se réjouir comme le fait encore candidement Candide (dont on voit maintenant les hésitations et tergiversations philosophiques = Candide raisonne par lui-même, et non plus en simple élève de Pangloss).
  • Candide se différencie notamment de Martin par l’espoir qui nourrit encore son esprit (espoir de revoir Cunégonde, donc espoir d’un bonheur possible) = retrouver un mouton est un signe d’espoir (l. 74-75, résultat expérimental des hasards qui permettent d’espérer de bonnes nouvelles parmi l’ensemble des mauvaises).

Chapitre 21

  • Approche de la France (dont il n’avait jamais été question jusqu’alors – Voltaire la gardait en réserve, pour un Candide déjà bien expérimenté). Tableau catégoriel de Martin (l. 3-7). Tableau de Paris (l. 8-18).
  • Mention d’ouvrages (l. 29) proposant une formation des continents (De Brosses et Buffon) ; mais l’idée de l’origine est, pour Candide, un questionnement sur les raisons (« à quelle fin » ?) de la création terrestre (il ne peut sortir d’une pensée créationniste) et non sur son apparition naturelle.
  • L. 27-48 : Questionnements à partir des expériences partagées par les récits = démarche philosophique inductive. Ressemble aux dialogues socratiques de Platon (questions & réponses)…
  • Après avoir fait les questions, Candide finit sur une réponse : le libre arbitre, qui n’est pas panglossien (le voici philosophe à son tour – et sans le savoir). Remonte à Saint-Augustin, concerne la volonté et le choix que chacun semble avoir quant à ses comportements et ses actes. Puis rediscuté en ajoutant Aristote (avec spontanéité + intentionnalité = responsabilité), etc. Le libre arbitre existe en théorie, mais il doit être relativisé ou peut être entravé par des déterminations sociales ou psychanalytiques. Spinoza pense même que ce n’est qu’une illusion, et Sartre n’est pas loin de le penser aussi, malgré son concept d’engagement. Bien sûr, Candide ne va pas si loin : Voltaire lui laisse juste dire le mot, et laisse le lecteur en penser ce qu’il veut. Cela signifie-t-il que Voltaire n’a pas plus de foi dans ce concept que dans les autres ? Ou qu’il veut nous montrer un Candide en voie de devenir philosophe mais encore trop timide dans sa pensée ?

29 novembre : chapitres 22 à 24.

Chapitre 22

  • La France n’est ni privilégiée ni exclue du conte ; elle est placée dans un panorama, après et avant bien d’autres pays. Cependant, ce chapitre est – et de loin – le plus long (305 lignes dans notre édition, alors que les autres ont entre 70 et 130 lignes). Idem pour Paris.
  • Le rouge du mouton (l. 5-9) permet à Voltaire de ridiculiser certaines démonstrations soi-disant scientifiques et qui ne sont que rhétoriques.
  • Le chemin Bordeaux-Venise passant par Paris est tout de même un grand détour… (l. 13).
  • Les propos sur Paris ne sont pas géographiques ou historiques mais concernent principalement les mœurs : les comportements et les modes de vie.
  • Paradoxe du malade dont l’état empire quand il est soigné = les médecins n’en sont pas, ce sont des charlatans qui abusent de la crédulité des gens… d’autres individus malhonnêtes et activités dépensières s’amalgament spontanément (domestiques, nouveaux amis, religieux, joueurs) ; Voltaire fait apparaître la façon rapide et comme naturelle par laquelle cela arrive chez une personne (d’apparence) riche. Mais cet empressement des intéressés est-il vraiment différent aujourd’hui ? (l. 16-35)
  • Au théâtre (l. 43-93), nouvelle étude de mœurs.
    L’émotion feinte provoque une émotion forte (chez Candide, l. 45-46). À l’inverse de ceux qui n’éprouvent plus que lassitude ou mépris, haine, etc. (l. 46-56). Le dénigrement du spectacle par le possible Élie Fréron (fondateur de L’année littéraire, revue notamment anti-philosophes des Lumières) est une caricature alourdie par les expériences de Voltaire, et sa volonté d’une dénonciation qui soit en même temps une petite vengeance (reprise aux l. 81-88).
    Puis Candide confond l’actrice et son rôle et veut rencontrer une reine d’Angleterre… (l. 62-63)
    Informations sur les mauvais traitements religieux infligés aux comédien(ne)s décédé(e)s (« à la voirie », l. 65-66). Martin généralise les contradictions que chacun peut constater : gouvernement, tribunaux, etc. (l. 74-80) et le rire qui accompagne tout cela – c’est la France, cette « drôle de nation ».
  • Au jeu de cartes, le pharaon (l. 100-110), à la mode de l’époque ; Candide perd beaucoup d’argent…
  • Le souper est accompagné de conversations notamment littéraires. Candide y écoute un « homme de goût » qui explique l’art dramatique (l. 144-162). Après, la comtesse s’offre à Candide contre diamants (l. 209-210) en lui parlant de bonnes manières françaises…
  • Le périgourdin profite de la naïveté et des confidences de Candide pour monter une escroquerie à la lettre (l. 235-245) et faire arrêter Candide et Martin (l. 259-270), qui s’en tirent en profitant de la corruptibilité du policier (friponnerie).
  • Nouveau détour vers l’Angleterre – n’importe où pour quitter la France !

Chapitre 23

  • Chapitre court. L’Angleterre est d’abord (et seulement) présentée sous l’angle du conflit avec la France à propos du Canada.
  • Candide assiste à l’exécution spectaculaire d’un amiral pour faute militaire (allusion jugée absurde par Voltaire, l. 27-28).
  • Candide ne veut même pas débarquer et Voltaire abrège le périple européen – enfin Venise !

Chapitre 24

  • Cacambo n’est pas là… Déception et déprime de Candide (l. 9-11). Cette mélancolie (juste après le passage rapide en Angleterre) se transforme en recherche sinon du bonheur, tout du moins de gens heureux.
  • Entrée du théatin (autre ordre religieux inclus dans le panorama voltairien) que l’on invite (l. 37) avec sa belle (Paquette retrouvée, l. 46) pour savoir s’ils sont réellement heureux…
  • Histoire de Paquette (l.50-97), suite d’infortunes et de prostitutions forcées… Discours sur la prostitution (l. 74-85) alors que la France vient de voter une loi contre cela (de 2011 à décembre 2013, à suivre). Martin gagne la moitié du pari.
  • Histoire du théatin : autres infortunes, suite au droit d’aînesse. Martin gagne encore.
  • Le hasard des retrouvailles redonne de l’espoir à Candide… (l. 124-126)

6 décembre : chapitres 25 à 27.

Chapitre 25

  • La recherche de gens heureux amène Candide chez Pococuranté, celui qui a peu de soucis, en italien. Il a peu de soucis mais il a aussi peu de plaisirs, ce qui ne semble pas être une bonne solution… Il a peut-être dépassé le stade du dégoût (?) mais son désabusement (?), son détachement (?) ne lui procurent aucune satisfaction = dans son cas, inutilité des possessions (artistiques, livresques, intellectuelles, etc.).
  • Propos sur la vérité en peinture (l. 20-27). Puis sur la musique (l. 30-34) et l’opéra (l. 35-43). Puis sur la littérature : l’Iliade d’Homère, comparé aux médailles de collection, démonétisées ; l’Énéide de Virgile – auxquels sont préférés Le Tasse et l’Arioste (aussi l. 122 et 125). Horace est aussi critiqué – Pococuranté propose de faire son choix personnelplutôt que de suivre la doxa… (l. 81-82). Ne « jamais rien juger par [soi]-même » ou « n'[aimer] que ce qui est à [son] usage » ? Une philosophie de l’expérience, donc, avec des choix a posteriori (à l’inverse des choix a priori enseignés par Pangloss), mais qui amène au dénigrement. La leçon de Voltaire serait-elle que toute décision à la suite d’une expérience mène à la désillusion et au renoncement ? Ou que le caractère d’abord mélancolique d’une personne ne sera pas modifié par les expériences, fussent-elles belles ?
  • On assiste à une suite de dévalorisations d’œuvres et d’auteurs réputés, comme Milton (1608-1674, auteur du Paradis perdu, l. 114-132, etc.), ce qui remet en cause le principe même de réputation (encore l. 93, 98) VS « écrire ce qu’on pense » (l. 108) – mais ne rend pas l’homme plus heureux. C’est plutôt le bonheur lui-même, quête clairement définie par Candide, qui semble inaccessible…
  • Les critiques sont peut-être celles de Voltaire lui-même, qui réglerait ainsi des comptes.

13 décembre : chapitres 26 à 30.

Chapitre 26

  • Cacambo retrouvé (événement de l’intrigue, pour action à suivre) + succession de rois déchus (expérience à méditer, pour décision morale) – dans le contexte du « carnaval » de Venise, Voltaire joue sur le double sens (ils étaient là incognito), voire triple si l’on pense à la vie qui serait elle-même comme un carnaval (masques de l’hypocrisie, de la tromperie, etc., partout).
  • Voltaire s’adresse peut-être également aux grands de ce monde (celui de son époque, mais c’est extensible…) pour leur dire que leur règne ne dure qu’un temps, et que leur déchéance les menace toujours.

Chapitre 27

  • Discussion sur les rois détrônés pendant le déplacement de Venise à Constantinople…
  • Cacambo informe Candide de la laideur de Cunégonde ; devoir de l’honnête Candide…
  • On évoque la mémoire et l’opinion de Pangloss, mais voilà qu’il est parmi les rameurs ! Et le baron aussi.
  • Il semble que tous les personnages du début sont physiquement très endommagés par les catastrophes auxquelles ils ont échappé, sauf Candide. Ou bien, il est comme Martin et Cacambo, sans description. Cela revient un peu au même : il n’a d’existence que spirituelle.

Chapitre 28

  • Histoire du baron depuis sa blessure quasi-mortelle… (Mais il ne voudra toujours pas du mariage de Candide avec sa sœur…)
  • Histoire de Pangloss depuis son exécution ratée… (Mais il ne change pas de philosophie…)

Chapitre 29

  • Installation du groupe au bord de la mer de Marmara (anc. Propontide, au carrefour des continents).

Chapitre 30

  • Comment on se débarrasse encore une fois du baron ingrat.
  • Questionnement de la vieille (idem pour les autres, à peu près) : rester à ne rien faire n’est-il pas pire que les catastrophes vécues précédemment ? Autrement dit : l’ennui est-il la pire des choses ?
  • Et comment lutter contre ? ou l’éviter ? Consultation du derviche – qui leur ferme « la porte au nez ».
  • Rencontre de hasard d’un vieillard qui ne vit que la culture de ses terres (autarcie) = il est heureux et sa famille aussi. Indifférence pour l’actualité du monde. Valorisation du travail dans ce cadre limité.
  • Candide « fit de profondes réflexions » (105-106), et affirme qu’il « faut cultiver notre jardin » ; Pangloss répond qu’il a raison = il ne renonce peut-être pas à sa pensée métaphysique mais admet que ce que Candide propose est la meilleure solution maintenant pour eux.
  • Candide est devenu philosophe et capable de diriger sa vie et le groupe des personnes auxquelles il s’est attaché et qui sont restées attachées à lui.

Date de dernière mise à jour : 21/03/2020

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