La versification
La versification est l’étude des vers, c’est-à-dire que l’on va dire combien un vers a de syllabes, où se place la césure... Étudier les vers, c'est enfin s'intéresser à la qualité des rimes, à leur disposition ainsi qu'à leur nature.
1. Comment compter les syllabes
Attention, les règles de la poésie ne sont pas celles de la prose.
En effet, si le mot « maître » ne fait normalement qu’une syllabe, dans un poème, il peut compter pour deux syllabes. C’est ce qu’on appelle la règle du « e » muet.
a) Le « e » muet
- Si un mot se terminant par un « e » est suivi d’un autre mot commençant par une consonne, alors ce mot comptera une syllabe supplémentaire, car le « e » sera prononcé et compté.
Exemple :
Maî/tre/ Re/nard/...
Le mot « maître » compte pour deux syllabes « maî » et « tre », le « e » final du mot se trouvant devant un mot (« Renard ») commençant par une consonne (le « r »). On place donc la coupe devant ce « e ».
- Si un mot se terminant par un « e » est suivi d’un mot commençant par une voyelle, alors le « e » ne comptera pas.
Exemple :
Il/ ou/vre un/...
Le mot « ouvre » n’est pas suivi d’une coupe puisqu’il est suivi d’un mot commençant par une voyelle.
b) Les coupes et les césures
Excepté la règle du « e », séparer les syllabes est fort simple. Chacune des syllabes d’un vers est séparée par une barre oblique que l’on appelle la coupe (/) :
Sans/ men/tir/, si/ vo/tre/ ra/mage
On ne met pas de coupe à la fin du vers, et on remarquera que le « e » final (celui de « ramage » ne compte pas).
On appelle la césure la double barre (//) qui sépare un vers en deux parties. Chaque partie du vers s’appelle l’hémistiche. Parfois, la césure se place au même endroit que la virgule :
Sans/ men/tir//, si/ vo/tre/ ra/mage
Premier hémistiche Deuxième hémistiche
On remarquera que les deux hémistiches n’ont pas la même longueur. Le premier fait trois syllabes, le deuxième en fait cinq.
2. Les types de vers
Le type de vers dépend du nombre de syllabes. Ainsi un vers de huit syllabes est appelé un octosyllabe :
Et/pour/ mon/trer// sa/ be/lle/ voix
4/4
Un vers de dix syllabes est un décasyllabe :
Maî/tre/ Re/nard//, par/ l'o/deur/ a/llé/ché,
4/6
Un vers de douze syllabes est un dodécasyllabe qu’on appelle généralement un alexandrin :
Ju/ra/, mais/ un/ peu/ tard//, qu'on/ ne/ l'y/ pren/drait/ plus.
6/6
Autres vers :
Un vers d’une syllabe est un monosyllabe.
Un vers de deux syllabes est un dissyllabe.
Un vers de trois syllabes est un trisyllabe.
Un vers de quatre syllabes est un tétrasyllabe.
Un vers de cinq syllabes est un pentasyllabe.
Un vers de six syllabes est un hexasyllabe.
Un vers de sept syllabes est un heptasyllabe.
Un vers de neuf syllabes est un ennéasyllabe.
Un vers de onze syllabes est un hendécasyllabe.
3. Qu'est-ce qu'une rime ?
Un poème est parfois composé de vers, lesquels se terminent par des rimes. Plus précisément, le dernier mot d'un vers rime avec le dernier mot du suivant. C'est en tout cas l'exemple le plus fréquent dans un poème à rimes plates.
Exemple :
Trop peu d'honneur pour moi suivrait cette victoire :
A vaincre sans péril, on triomphe sans gloire.
Dans notre exemple théâtral, « victoire » rime avec « gloire ».
Ces deux mots ont un certain nombre de sons en commun : ils riment. Ce nombre va déterminer la qualité de la rime : pauvre, suffisante ou riche. Mais ce qu'il faut bien comprendre, c'est qu'il s'agit de sons et non de lettres ! Dans l'exemple suivant, les rimes ont deux sons en commun.
O rage ! ô désespoir ! ô vieillesse ennemie !
N'ai-je donc tant vécu que pour cette infamie
En effet, « ennemie » rime avec « infamie ». On retrouve les lettres « mie » dans les deux mots, mais cela ne fait que deux sons étant donné que la lettre « e » est muette. On a le son [m] et le son [i].
a) La nature des rimes
Les rimes se terminant par un e sont dites féminines. Une rime féminine peut se terminer, au pluriel, par s ou nt. Toutes les autres sont des rimes masculines.
b) La qualité de la rime
On parle également de la richesse de la rime. Elle se mesure au nombre de sons répétés.
● Si deux mots ont un seul son en commun, on dit que la rime est pauvre :
Se trouva fort dépourvue
Quand la Bise fut venue.
Dans cet exemple, « dépourvue » rime avec « venue » et n'ont que le son [y] en commun (c'est ainsi que l'on note le son produit par la lettre « u »).
● Si deux mots ont deux sons en commun, on dit que la rime est suffisante :
La Cigale, ayant chanté
Tout l’Été,
Dans cet exemple, « chanté » rime avec « Été ». Les deux mots ont deux sons communs, les sons [t] et [e].
● Si deux mots ont trois sons ou plus en commun, on dit que la rime est riche :
La Fourmi n’est pas prêteuse :
C’est là son moindre défaut.
Que faisiez-vous au temps chaud ?
Dit-elle à cette emprunteuse.
Dans cet exemple, « prêteuse » rime avec « emprunteuse ». Les rimes sont riches car elles ont trois sons en commun : le son [t], le son [∅] et le son [z].
c) La disposition des rimes
Prenons les quatre premiers vers de la fable « La Grenouille qui se veut faire aussi grosse que le bœuf » :
Une Grenouille vit un Boeuf
Qui lui sembla de belle taille.
Elle, qui n'était pas grosse en tout comme un oeuf,
Envieuse, s'étend, et s'enfle, et se travaille,
Chaque rime est symbolisée par une lettre (A, B, C, D...). Les rimes sont disposées selon un certain ordre.
Dans ce poème, elles sont croisées :
BoeufA
tailleB
œufA
travailleB
Elles pourraient être suivies (on dit également plates) si l'on avait la disposition suivante :
BoeufA
œufA
tailleB
travailleB
Enfin, elles pourraient être embrassées :
BoeufA
tailleB
travailleB
œufA
Résumons :
Les rimes croisées ont la disposition suivante : ABAB.
Les rimes plates ont cette disposition : AA BB (CC DD...).
Les rimes embrassées ont celle-ci : ABBA.
Dans les fables de Jean de La Fontaine, on dit que les rimes sont mêlées, car on trouve souvent plusieurs voire les trois dispositions dans un même poème.