Le Conte Philosophique
Dans son Histoire de la littérature française au XVIIIème siècle, Béatrice Didier affirme :
« Dans les formes de récits courts, le conte est le genre qui connaît une grande extension. Par contraste avec la nouvelle qui prétend être « véritable », il opère dans le domaine de la fantaisie, dans le rêve d’un ailleurs, qui prend surtout la forme du merveilleux et de l’exotisme. Car dans cette période le conte se charge de plus en plus volontiers d’un message philosophique. »
Au XVIIIème siècle, apparaît une nouvelle forme de récits courts : le conte. Les auteurs de ces contes sont des philosophes comme Voltaire, Montesquieu ou Diderot. Ces contes sont utilisés pour leur forme plaisante. Le conte, grâce au merveilleux, entraîne ses lecteurs dans l’exotisme. Il comporte aussi un message philosophique. Mais il y a aussi des dangers en utilisant la forme du conte pour transmettre un message philosophique.
L’un des nombreux thèmes du conte philosophique est le voyage. En effet, le siècle des
Lumières invite au voyage. Les récits de ces contes se déroulent toujours à l’étranger. Dans le « Supplément au voyage de Bougainville », l’histoire se passe à Tahiti. L’exotisme est très présent dans les contes. Les îles font rêver les lecteurs. Dans le cas de Candide, l’histoire se déroule dans plusieurs pays : la Westphalie, le Surinam, El Dorado… Le lecteur est transporté dans ces lieux en même temps que le personnage.
Un autre aspect du conte philosophique est la fantaisie qui attire les lecteurs. Les péripéties du personnage de Candide sont très amusantes ainsi que la manière dont il est chassé du château en Westphalie. Dans le « Supplément au voyage de Bougainville », Diderot décrit les coutumes des Tahitiens, la manière dont les voyageurs sont accueillis.
Un autre aspect du conte est le merveilleux. Le château dans Candide a un aspect merveilleux de même que les descriptions de l’île de Tahiti dans le « supplément au voyage de Bougainville ». Il y a aussi le Baron, la Baronne, et leur fille dans le château de Candide.
Dans tous les contes, il y a un château.
Le conte philosophique est caractérisé par la fantaisie, le merveilleux et l’exotisme mais il est aussi porteur d’un message philosophique.
Le conte philosophique fait réfléchir les lecteurs. L’histoire comporte des vérités cachées qu’il faut découvrir pour comprendre le sens du texte.
L’une de ces vérités cachées est la dénonciation de l’esclavage que l’on retrouve dans
« Candide » à travers l’histoire du Nègre de Surinam. Dans son histoire, le Nègre raconte que ses parents l’ont vendu aux Blancs afin de pouvoir vivre correctement. En allant avec eux, il rendrait ses parents heureux.
Une autre vérité cachée montre les abus de l’Église. En effet, dans le « supplément au voyage de Bougainville, il est dit qu’un aumônier a été envoyé à Tahiti pour convertir les « sauvages ». Pour l’Église, tous ceux qui ne sont pas chrétiens sont des sauvages.
Enfin, un autre exemple de ces vérités cachées est la dénonciation du Roi. En effet, lorsque
Candide rencontre le roi de l’Eldorado, il demande à l’un des serviteurs la manière de saluer le roi. Il veut savoir s’il faut se prosterner ou ramper devant lu alors que dans ce pays on l’embrasse seulement sur les joues.
Le conte philosophique permet donc à son auteur de critiquer la société au travers de vérités cachées dans son histoire. Toutefois, les dénonciations de la société ne sont pas explicites dans le texte à cause de la censure. Il est donc dangereux d’utiliser le conte pour faire passer un message philosophique.
L’utilisation du conte pour faire passer un message philosophique comporte des risques car l’auteur dissémine les vérités dans tout son texte et il est probable que les lecteurs puissent passer à côté du message sans même sans s’en apercevoir. On peut lire un conte philosophique sans prêter attention aux messages, dans ce cas, pour le lecteur, ce n’est qu’un conte ordinaire.
Dans les contes philosophiques, les dénonciations de l’auteur de l’auteur sont toujours au second degré. Il ne peut exprimer clairement ce qu’il pense sans être censuré. Il est donc possible lors de la lecture de l’un de ces contes de ne pas comprendre une de ces vérités cachées ou de ne pas en voir une.
Un autre danger du conte philosophique est de mal interpréter le sens du message philosophique. Pour exemple, dans le cas du Nègre de Surinam dans Candide, si l’on n’y prend pas garde, il est possible de comprendre que Voltaire est pour l’esclavage.
Le conte philosophique connaît une grande extension car il opère dans le domaine du merveilleux, de la fantaisie et de l’exotisme. Il est aussi de plus en plus porteur de messages philosophiques. Les auteurs s’en servent afin de dénoncer la société par rapport à l’esclavage, les abus de l’Église ou du roi par exemple. Toutefois, l’utilisation du conte comme moyen de faire passer des messages philosophiques est dangereux car l’auteur prend le risque qu’ils soient incompris, ignorés ou mal interprétés On peut donc se demander si l’utilisation du conte philosophique pour faire passer ses idées est une bonne chose.
Ainsi, pour être certain que son message philosophique soit compris de tous peut-être vaut- il mieux écrire un essai plutôt qu’un conte philosophique ?