Contexte historique du « Bourgeois Gentilhomme »

 

Soliman Aga était un émissaire de Mehmed IV, sultan de l'Empire ottoman, envoyé en ambassade auprès du roi Louis XIV en novembre 1669. Cette visite, destinée à restaurer les liens diplomatiques entre la France et la Turquie, sera un échec complet. Elle sera cependant à l'origine de deux évènements importants : l'introduction du café en France et la création du Bourgeois gentilhomme de Molière et Lully.

Soliman Aga arrive à Paris en juillet 1669. Après s'être remis de son périple, le diplomate fait rapidement preuve d'hospitalité. Il organise de fastueuses réceptions dans sa demeure afin de promouvoir une boisson que les Français, contrairement aux Italiens, n'apprécient guère : le kawah (le café). Les Parisiens, avides d'exotisme et éblouis par tout ce qui a trait à l'Orient se pressent à sa porte, nul ne voulant manquer ces rendez-vous avec le raffinement. Soliman Aga ne lésine pas et accueille ses hôtes dans une mise en scène digne des Mille et Une Nuits : ses serviteurs, coiffés d'un turban et vêtus à la mode ottomane, apportent le fameux breuvage servi avec du sucre, dans de délicates tasses en porcelaine de Chine… A Versailles, le roi est fasciné par les récits que les courtisans font de ces réceptions et du personnage de Soliman Aga : Louis XIV décide de le recevoir, et de l'impressionner.

Soliman Aga fait son entrée à la cour le 1er novembre 1669. Croyant avoir affaire à l'ambassadeur du Grand Turc en personne, le Roi-Soleil organise une fête fastueuse dans les jardins du château et fait tout son possible pour impressionner son hôte : il vient à sa rencontre assis sur un trône d'argent tellement couvert de diamants "qu'il semblait environné de lumière", et la tête couverte d'un chapeau orné d'un "bouquet de plumes magnifiques" Les gentilshommes de la cour font de même, revêtant leurs plus somptueux habits.

Mais le faste de cette réception ne produit pas l'effet escompté : Soliman Aga est surpris de voir le souverain français faire autant de cérémonie pour un simple ambassadeur, et il aurait dit à des proches : « Dans mon pays lorsque le Grand Seigneur se rendait  à la prière du vendredi, son cheval est plus richement orné que l’habit que je viens de voir ».

L’anecdote fait le tour de la cour et blesse Louis XIV dans son orgueil. De plus, on découvre que Soliman Aga n'est pas ambassadeur, mais un simple membre de l'entourage du sultan envoyé en mission exploratoire. Tout le luxe déployé se trouvait alors totalement injustifié, et le ridicule guettait le roi de France...

Afin de se venger de l'affront subi et ridiculiser les Turc, Louis XIV a l'idée de commander à Molière et à Lully "un ballet turc ridicule". Au demeurant, Turcs et turqueries intéressaient le public français. La comédie-ballet dont il est question prend pour titre Le Bourgeois gentilhomme. Elle est représentée pour la première fois le 14 octobre 1670 à Chambord, avec Molière dans le rôle de Monsieur Jourdain et Lully, habitué aux rôles comiques, dans celui du Grand Muphti. Le roi s'en amuse tant qu'il voudra revoir la pièce une demi-douzaine de fois d'affilée, avant qu'elle soit reprise avec succès à Paris en novembre de la même année.

En fait, la turquerie n'aura dans la comédie-ballet finale qu'un rôle subordonné - même si elle est d'un comique fastueux - dans la totalité du spectacle du Bourgeois gentilhomme : plus que la cérémonie turque du quatrième acte, le ballet attendu et développé de cette comédie-ballet est le ballet final des Nations, développé en six entrées.. La fiction turque permet de dévoiler l'ambition et la crédulité de Monsieur Jourdain, et finalement de lever son opposition au mariage de sa fille ; elle est intégrée à un projet théâtral plus vaste qui est la peinture de l'ambition sociale du bourgeois.

Date de dernière mise à jour : 02/07/2021

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